Traiter ses RAWs, choisir le bon outil
Yann Gouffon — May 12th, 2017
Depuis que j’ai commencé la photographie, mon workflow de développement digital n’a cessé d’évoluer. Traitement de JPEGs sous Photoshop Element début des années 2000 pour ensuite Photoshop CS2, puis découverte de l’avantage d’utiliser les RAWs avec Camera Raw et pour finir, Lightroom. La seule constante dans toute cette évolution a été Adobe. Jusqu’à récemment, je n’ai jamais remis en question les capacités de son moteur de rendu.
Les challengers
Comme dans tous marchés concurrentiels, il existe des alternatives au moteur de rendu d’Adobe. Pour ce test, je me suis placé dans la peau d’un nouvel utilisateur devant faire un choix. J’ai ainsi sélectionné les quatre moteurs principaux disponibles sur le maché.
- Adobe Photoshop/Lightroom (win|mac ~10$/m) : plus besoin de présenter ce poids lourd qui est de loin, la solution la plus utilisée.
- Affinity Photo (win|mac 48$) : avec son excellent rapport qualité-prix, Affinity Photo est un petit nouveau dans la place qui a tout d’un grand.
- Capture One Pro (win|mac ~12$/m ou 280$) : très apprécié par les professionnels, Capture a sû se démarquer de Lightroom par ces contrôles colorimétriques.
- RawTherapee (win|mac free) : le quatrième challenger dans la place est non seulement gratuit, mais également open source !
Comparatif
Afin de permettre une comparaison équitable, des photographies provenant d’un Nikon D800 (plein format, capteur CMOS 24×36) et d’un Fujifilm X-T2 (APS-C, capteur X-Trans CMOS III) ont été ouvertes sur ces quatre applications et, sans ajustements aucuns, ont été exportées en TIFFs. Le profile Adobe RGB 98 a été conservé tout au long du processus.
Les critères, très subjectifs, vont porter sur la notion de piqué ou l’impression de netteté, ainsi que la gestion des couleurs. Nous pourrions aller plus loin en comparant les courbes produites par ces logiciels, mais cela sera peut-être le sujet d’un autre article. Pour l’instant, nous allons nous focaliser sur l’essence même de la photographie, le ressenti.
Paris - D800 | 50mm | f10 | 400 ISO | 1/400
Sur la vue d’ensemble, peu de différences si ce n’est des nuances de bleu variant d’un moteur à l’autre, et des couleurs un tantinet plus vibrantes chez Capture One Pro.
À l’échelle 1:1, les moteurs commencent à nettement se différencier. Au niveau de la gestion du piqué, Capture One Pro est légèrement en tête et Affinity Photo arrive clairement en queue de peloton. RawTherapee semble moins bien gérer le bruit que ses concurrents. Adobe n’est ni excellent ni mauvais, mais peine à briller.
Vache - D800 | 70mm | f6.3 | 400 ISO | 1/160
Sur la vue d’ensemble, horsmi RawTherapee qui fait état d’un rendu réellement mauvais, les trois autres concurrents sont très proches, même si Capture One Pro témoigne d’une légère supériorité dans la gestion des couleurs. Le rendu d’Affinity Photo est légèrement sous-exposé par rapport aux autres.
À l’échelle 1:1, encore une fois, meilleure gestion du piqué pour Capture One Pro et rendu très bruyant pour RawTherapee.
Lisbonne - X-T2 | 23mm | f8 | 200 ISO | 1/550
Avec ces façades colorées, le quartier de l’Alfama met en avant les qualités colorimétriques de Capture One Pro. Plus terne, Adobe et Affinity Pro ont produit des images neutres, mais équilibrées. Finalement, RawTherapee est nettement sous-exposé par rapport aux autres.
Une fois à 1:1, les différences sont plus marquées qu’avec le D800, Adobe et RawTherapee sont clairement plus bruyants. Affinity Photo produit un rendu avec un léger glow et une impression de flou. Le rendu de Capture One Pro est, quant à lui, clean avec un piqué très correct.
Cheval - X-T2 | 23mm | f2 | 100 ISO | 1/1500
Sur ce premier cliché réalisé avec mon Fujifilm, les résultats sont également très intéressants. Affinity Photo a produit une image très (trop) exposée, Adobe une image plus terne et Capture One Pro et RawTherapee, des images plus saturées avec un vignettage également plus marqué que les autres.
C’est à l’échelle 1:1 de cette photo que mon questionnement a démarré. Vous observerez que sur le rendu d’Adobe, autour de l’oeil, se dégage une impression d’accentuation du piqué assez atroce. J’appelle ça le rendu “paquet de vers” comme si de petits asticots composaient mon image. C’est un chouia exagéré, mais quand on se tourne vers le rendu de Capture One Pro, cette impression disparaît. Sur ce sujet RawTherapee est vraiment bon et Affinity Photo toujours un peu flou.
Conclusion
Avec mon Nikon, je n’ai jamais été très pointilleux sur le rendu 1:1 de mes clichés. C’est quand j’ai traité les RAWs de mon Fujifilm la première fois que j’ai déçu. Bien que haut gamme, j’ai pensé que le capteur de cet appareil était à l’origine de ce résultat, jusqu’à ce que je tombe sur un article vantant les mérites de Capture One Pro et que je prenne le temps de faire la comparaison moi même.
Sur ces quatre moteurs, aucun n’est particulièrement mauvais, bien au contraire. Gratuit et open source, RawTherapee mérite qu’on s’y intéresse, malgré une interface moins intuitive que les autres. Affinity Photo est également un très bon choix, surtout quand on regarde son coût dérisoire qui le propulse en tête du classement rapport qualité/prix. Adobe reste tout de même un des meilleurs moteurs de la catégorie, les différences vont être plus marquées selon le capteur utilisé.
Je pense que vous avez fini par deviner où va ma préférence. En effet, en plus d’une magnifique gestion des couleurs véritablement plus vibrantes que chez les autres, le moteur Capture One Pro produit des images au piqué irréprochable. Ni trop forcé, ni trop légé, le rendu est comme son logiciel, très haut de gamme pour utilisateurs pointilleux (ou super maniaque du détail comme moi :sweat_smile:). Il ne vous reste plus qu’à faire vos propres comparaisons avec les versions d’essais de ces logiciels et de définir lequel vous satisfait le plus. Et ne regardez pas trop au prix, si vous avez mis plusieurs centaines de francs dans une seule optique, une licence permettant de sublimer vos images sera toujours un bon choix.